Résidence virtuelle 11: Muriel Quesne (du 1er avril au 30 juin 2020)
Aux éditions du frau: Tout part peut-être (n°34) et photographies dans Lignes de partage de Juliette Penblanc (n°32)
Avril
On cherche l'encolure du manteau
de la dune
de l'océan
on l'entend quelque part
en face à l'ouest
on ne sait pas
et si le chevreuil
le sanglier nous effleuraient dans le passage
il n'y a que les craquements des pas sur les aiguilles
le grondement sourd qui se devine
la lumière qui infuse sur les branches des pins
admettons
qu'il est encore tôt
nos pieds se cousent
au sable de l'hiver
et s'ancrent à la lisière de l'enfance à l'isolement
des genêts
de l’œuf à la coque
et des mouillettes
s'affranchira-t-on des orties
du liseron
des bouquets de broussailles
de repriser l'étoffe des fleurs du chemin
avec des grains de beauté grains de sable grains de poussière
les pieds se cousent
aux cendres du fumier
tracent un passage
il y a la bâtisse grise et haute comme repère
avec sa face nue sans fenêtre
il y a la route
qui monte vers la colline
la bordure du tissu coincée dans la fermeture éclair
les cheveux qui ont pris la pluie
et parfois la voile blanche
il y a tout ce qu'il faut pour
le bord de la forêt comme ligne infranchissable
et l'impasse qui boucle l'autre côté
il y a à avancer sans attendre
jusqu'à la clé cachée sous une coquille Saint Jacques
l'écriture suit les fils du pull de laine qui gratte
raccommode les trous de
bigorneaux
macareux goélands
tes mains cloquées sur le râteau
ont ratissé la terre près du chien mort
ratissé les nœuds dans les cheveux fins
dans un virage
on laisse derrière soi la départementale
à la limite du nom barré
le collant enserre la taille
on ralentit le pas
sur la route
bordée de maisons
de pissenlits
de bêtes derrière les clôtures
à la couture de la culotte en coton
on trouve une fine coquille de jeune oiseau
on serre la poupée noire
dans sa robe col Claudine
le visage tendu vers
la lucarne du grenier
le fracas des vagues l'écume solitaire
la jupe se défroisse
les sarcasmes
les rires à tue-tête
comme un balayage d'essuie-glace sur le pare-brise arrière
de la Simca 1100
les traces s'estompent
de ce qui a été
de qui on a été
on jette un caillou
un bâton aussi
on perd un bouton de nacre
sans trottoir
avec le tracé dans la tête
comme une ligne de montagne
on hume les odeurs en repli dans les fossés sur la crête des vagues
les manches remontées
les ongles rongés de terre
les pieds violacés de vase
le cartable abandonné sur la route
on est avant l'effervescence
des voix dans la cuisine
de Tarzan à la télévision
des tirs à la carabine
avant le silence de la maison vide dans la zone d'isolation
le temps des orties se prolonge
leurs racines engourdies
sous la poitrine plate
sous le chemisier
on est soulagée
de quoi
à l'écart de
un peu en retrait
mais encore là
sur le plat de la route
à cloche-pied
dans l'interstice
hors de ce qui se passe et de ce qui ne se passe pas
on s'étale chiffon
dans le champ de luzerne
les paupières de porcelaine
collées de sève de sel
on écrit le ciel des vacarmes
à la lisière
de la forêt
de la dune
des mots sourds à l'envol
de la phrase des fous de Bassan
la page s'enduit d'épingles à cheveux
d'arêtes de poisson
en creux
on s'achemine vers le fond des routes vers la désolation des chardons
à l'abandon des bonnes manières
des jupes plissées
des liserés de soie
les mains trouées de gravillons
des égratignures sur les chevilles
à l'abandon des crabes morts sur le rivage
de la même lisière
que le cheval du grand enclos qui s'impatiente
que la petite fille qui perd le souffle sur la balançoire
que le phare éclaboussé sur le récif
on ouvre sa chemise
au ciel à la pluie
en bordure de déhanché
les bras tendus affleurent aux bourgeons de mimosas aux brassées de houle
les pieds en pointe sur les feuilles humides
les brisures de coquillages
la nuque conquise par le souffle du museau des vaches
le vent frêle entre les peupliers
la douceur des moussues près de l'arbre creux
on renonce à
s'enivre du clapotis des vagues
contre la coque amarrée devant la maison rose
le tablier bien net de la grand-mère se déplie
ses aiguilles à crochet
l'oiseau qui compte
en huit huit huit
la pierre du mur du jardin
on ne sait pas bien si tout va tenir entre ses doigts
ce qui va ternir
ce qui va se taire
ce qui va crier
ou s'effriter sans regrets
on dépasse le portillon
la mobylette du voisin
le jardin d'aubépines
cependant que la route s'étire
comme les filets de pêche
sur le bord de mer
on se cale dans la mansarde
à broder l'averse le grain violent
la nappe vichy
la table est mise pour cinq au ras de l'eau
la tente accrochée aux arbres
dans l'ancien champ d'asperges
la page débarrassée
de couteaux d'osselets
de rapporteur triangle isocèle
le chat se faufile à la marge du cahier
perd une touffe de poils
sur la chemise avec un accroc
l'enfance est à bout de quelque part
on voudrait courir après les pigments jaunes dans le vent où ça
quelque chose
nous pousse
vers
la barrière qui tangue
les pierres mouchetées derrière l'appentis
l'ouverture de la grand voile
les serpentins de vers de vase
le clou rouillé sur la margelle
à épier un lapin de garenne
à passer par la fenêtre la soupe de l'hiver
la lune s'élève derrière les grands arbres vers l'est on dirait
les chiens aboient
comme une douleur qui échappe d'un tiroir
un écheveau de fils qui s'emmêle
des cordages qui se resserrent
on se recroqueville
sous le couvre-lit dans la solitude du papier-peint liberty
avec des brassées de lilas
des ourlets de ressac
soubresaut
frisson
il a neigé dans l'enfance si peu
la neige n'a pas recouvert le sable
encore moins l'océan
elle a habillé temporairement
les plumes du merle
les pas sur le goudron
hors d'haleine
on se soucie peu des déchirures
de légères cloques sur la main droite
les orties tourneront vinaigre
on cherche à passer au tamis
les chemins côtiers
les sentes aux buissons de mûres
les rues d'hortensias
à en filtrer le jus
la page désherbée
des arbustes à baies rouges
l'enfance est-elle un trop plein de jupes culotte
portefeuille
trapèze rectangle
un kilomètre deux cent sous le crachin vraiment
la route prend des allures
de rigoles rizières pataugeoires
le drap détrempé de la voisine pend
sur le fil à gouttes
deux insectes se collent bout à bout
on récolte la pluie dans des seaux à palourdes
la gourmette ne tourne plus au poignet
un disque tourne en boucle
il y a la bâtisse grise et haute comme repère
la soucoupe d'eau de pluie pour le jeune oiseau
le hangar ou la maison de briques
des poteaux de bois et des fils électriques à intervalles réguliers
des miettes et des poussières
une flaque d'eau tiède sur le rocher sous le papier buvard
incrusté de moules de chapeaux chinois
et quelques plumes de poules et de dindons
le décompte est difficile à tenir des allées et viens
du petit bois aux îles en archipel
qui se souvient de Port-Anna
des lavoirs sur la Marle
de l'Amoco Cadiz
du roulis des vagues sur la coque avariée
des impossibles battements d'ailes
mazout mazout mazout
un voisin sort la tête par la fenêtre
pluie de papillons de plumes de cendres
un autre répare le mur de son jardin
pas de danse au chant des rainettes dans la clairière
pas de décompte des passereaux à la pleine lune
ni surpris un chevreuil sur la plage
ni découvert la Grande Ourse
dans un rond de serviette
à la course vers la falaise
comme point de chute
on se sera glissé dans
les creux de sable
des mèches de nuages
par-dessus la tête
les poches pleines
de papier millimétré pour quoi faire
à ravaler les huîtres les coques et les galets
à de simples mesures
une voisine a soulevé son chapeau de paille
elle porte à même son corsage
un bocal rance à cornichons
entasse des poules rousses
derrière la remise
un jour elle a crié après
sous le chandail des ours
on aura sanglé la poitrine en irruption volcanique
cassé des noix avec les pierres du rebord
pris sous son aile l'oiseau en détresse
ravalé des nappes brunes
le fil de la bobine se tire
l'aiguille entre dans la chair
recoud des contours de
prairies
champ de vaches
peupliers
coupures de toile cirée
plages à marée noire
en couche de mille-feuilles le petit bois sera-t-il encore là
avec nos semelles de crêpe
clopin-clopant
on ramasse les mots enterrés
sous les racines ornières bas-côtés
pissenlits ou trèfles
certains sautent la clôture
disparaissent sous le rabat d'un drap une couverture
sous les feuilles du châtaignier
on lève le doigt
serait-ce
étincelant
bouchées doubles
bain de soleil
las
les mots se défilent
entre les îlots
fougères
pattes des oiseaux de mer
épis sur la tête
ratures rouges de stylo-billes
à l'usure de l'enfance
de griffures en cicatrices demi-lune
forment un ensemble
de danses en rond d'oignons
motus et mouches cousues sur les mantilles
le petit doigt levé en l'air
les velours en bord de côte
ça se danse les mots perdus
avec châles et manchettes
au point fil d'araignée
ça se cadence de métronome
avec les peupliers
se penchent en avant
on se penche en arrière
emporte au vent
flopée de mots sans dessus dessous
coët bigoudène
steren mor
amann bili
ti ker argoat
coincés sous les camisoles
las
les gouttes en lame de fond
le ciel blanc de craie
on enjambe la flaque
les os des marins
des gitans
de la jeune gitane
la ferraille des manèges
des marchés
les poules et les lapins des fermes
les filins du chapiteau
les mouches mortes se comptent sous les fenêtres
en déséquilibre
sur les pierres de granit
les goémons
on glisse entre
les rouleaux des vagues
les feuilles tendres
transpirent en volutes
sur les nervures
on lit la route qui sait
l'impasse
le bitume se tatoue de paille de boue
une voile s'éloigne de la grève à contre-courant
on s'avance vers la dernière maison
un sterne griffe le ciel
des chiens aboient
tirent sur leurs chaînes
on fuit à toutes jambes
détale trébuche
l'herbe
les poils bruns ont poussé jusqu'aux genoux
le cheval de bois monte et descend
la brouette sur les bosses
on se mouche dans un torchon
à mi-parcours
à mie de pain
à miettes sur la grande table
on ramasse dans la paume
on referme le poing
les miettes comme les mauvaises herbes
miettes comme mauviettes
motus et bouches cousues
la valise de cuir jaune pourrait être prête
les roulottes s'éloignent
sous la langue une épine de quelque chose
un brin de poussière
une broutille et puis quoi encore
Mai
la page à vide
on déniche un pince-oreille
un mollusque se faufile
les lilas des Indes ont fané sur pied
avant la profusion des roses des coquelicots
avec son talon
on fait claquer les bulles des algues brunes
les échassiers piquent du bec
sur la plage à sec
on se garde bien d'attiser
les feux de broussailles
de cueillir tous les cheveux d'ange
d'oublier de mettre son maillot
deux pièces
on ne déverrouille pas la porte de la cave
avec les crottes de souris
on ferme le placard à balai
on charrie déjà assez les croûtes de goudron
caillou
rocher à peine
préfère te regarder passer la tondeuse
sous le fil à linge
tailler les rosiers
changer une ampoule
la page se plie
en cocotte en papier
sous les plumes
on écrit
brouillard confuse liseron
déchirement de nuages en vrac ortie
éclaircies au mieux pâquerette
pluie drue à essorer laitue de mer
ciel bleu debout colchique ou presque
on se garde au chaud
croûtons de pain
paquets de bonbecs
petite Ourse barbe à papa praline
cœurs croisés
renoncules
cheval qui trotte sur la route
comme un chant de douceur au matin
la course à marée basse vers l'océan
les couteaux qui éclosent
on surfile
la course à marée basse de peur qu'elle ne s'effiloche
ronces sabots ronces sabots ronces vaguelettes
trois rapaces tournoient
dans le blanc obscurci de bleu
il n'y a pas de silence
il n'y a que des échos
on s'accorde avec la respiration du ciel
le corps affaibli
dans l'attente et la crainte des poils
sous les aisselles
on a quitté la route après tout
les cheveux en couettes serrées
dans les élastiques et les barrettes
bien après la bâtisse grise et haute
c'était hier avant hier et avant avant hier
dans l'effroi des petites filles qui ne connaissent pas
la corvée le fil le linge
on est dans le bois
on tire le vélo par le guidon
les ronces sans les sabots
tiges et brindilles
à l'abri de la marée
le fer fume
on a quitté la route
ça crisse
branches et racines
sans le passage à l'orée
d'aucun souvenir
morceau décousu
les plis les piles de draps s'accumulent
on a quitté la route
on est dans la forêt
près du ru en creux
le col amidonné se repasse
on trempe sa chaussure
souffle sur les fleurs de coton
écoute le gémissement des arbres
la roue se coince entre les pierres
une pie traverse l'air endimanché de robes blanches
les pinsons vrombissent
comme des oiseaux à moteur
quel est le multiple de feuille
il faudra bien mentir
on est couverte d'embruns
les lèvres piquées d'écumes
on remarque un fichu entre les herbes
même pas fichue
la roue contourne les bosses pierres racines
le merle s'encanaille à nous devancer
on piétine
les bogues les coques de noix moisies
le vélo en travers
on grimpe sur un chêne
scrute les vagues vertes
étreint la plus grosse branche
la culotte plaquée contre
les croûtes dorées de sève
un escargot rampe sur la tige d'une fougère
on somnole
roncesabotvaguelettementhe
les mots
comme les moineaux en bande sur le fil
l'étau se resserre
on est tombé de O
l'Océan n'existe pas
emballé dans une bâche plastique
le cirque est revenu
avec le lion qui sommeille
l'oreille suinte des rugissements
claque le fouet
explose la bulle de chewing-gum
il n'y a plus qu'à déguerpir
entre les piquants
des buissons
on a tiré à blanc
le lion est tombé roide
il est temps de passer à table
manger le potage
la cuillère à soupe
près de l'assiette creuse
à gauche
non à droite
le pain épousseté
des toiles d'araignée sur le visage à blanc de l'enfant
ouste ouste ouste
on s'éloigne à rebrousse-poil
la futaie tremble
la marée descend
les doigts se nervurent
les collants sont troués
des chairs écorchées
est-ce que les nuages se raccrochent au ciel noir
un lièvre s'immobilise
devant la lune informe
dans la lente agonie des papillons de jour
on s'approche il s'enfuit
la page se traverse
pas le bois
on revient sur ses pas
dans le passage
à la lisière de la route
la chaîne du vélo a déraillé
un dé à coudre dans la poche
les rapaces sont revenus
survolent l'espace ouvert
le vélo caché dans les fourrés
on force la marche sur le goudron
saute par-dessus les nids de poule
à l'envol comme qui dirait
on voudrait dormir avec le chien les chats
dans le même panier
ils ont rasé le bois
on a rasé l'enfance
comme les poils des jambes
ça repousse lentement
sans doute pas le bois
ni même l'enfance
la peluche mise en terre
on a gratté avec
la pelle du château de sable
ses ongles
pour la reprendre
les fourmis les gendarmes se sont carapatés
l'enfance aboie au rythme des marées
une couleuvre entre les pierres
des pages se griffonnent
au crayon gris
de droites parallèles
les cheveux trempés comme une soupe
la pluie cliquette sur le seau à cendres
les cerises ont rougi
méfions-nous des vers
le ventre contre le rocher
on subit les assauts du flot
qui trépigne
cherche à s'extraire
la jupe se soulève
la voile se suspend à l'entrée de l'anse
le sang a passé outre l'enfance
déborde comme une rigole sur la grève
la page
ruisselle sur le chemin
jusqu'à rendre rougissante
l'impasse le bois
on a l'océan furieux entre les jambes
les mots à mots se déchiquettent en salive asséchée
o n e s t b ê t e b l e s s é e r e n d u e à l 'é t a t s a u v a g e
le verrou a sauté
que restera-t-il de
l'enfantboisocéangrèvefoudeBassanvasecaillou
transpercer percer le doigt
une goutte à sucer
effacera-telle la déferlante
on dessine une carte
faufile les clôtures
épingle quelques arbres
l'enfance pleure des trombes d'eau de loups de pissenlits
on est rincé
trempé jusqu'aux os tirs à la carabine
du plomb dans la cervelle
on subit la pluie en gifles
le vent en rafales
les cheveux filasses
le monde se découpe en figurines graves
le tonnerre pourrait gronder
même la neige en flocons ne nous sauverait pas
même les mouettes les goélands
les décimètres se déciment
les règles s'écoulent s'arrêtent reprennent et s’éteignent
les nuages se contiennent et s'embrassent
on a beau dire
on est au bout du lit au carré
à se bouturer de roses épines sur les bras
avant qu'ils ne moisissent
dans l'oubli de la chaleur des brassées de vagues
on se recoudrait bien au point de croix
à s’épargner
le
flot
menscruel
pas mieux pas plus qu'une pierre
l'enfantpalourde
elle sait elle sait elle sait qu'elle a caché
craché
quelque chose
quelque part
sous la terre de granit de craie
ses pieds décousus du sable du fumier du limon
vacillent comme les mâts au port
les cimes des peupliers
d'une démarche incertaine
cherche-t-elle
à tout envoyer balader
cercles de broderie de feu
de lions d’îlots de moucherons
de nappe sur la plage
et si elle faisait semblant
que le sang n'existe pas
hors des égratignures
le goudron se charge de petits pois sombres
la route se dévore à pleine dents
comme si de rien
la pluie
s’abstient soudainement
la terre s'assèche sous un grand soleil tiède
elle apprivoise encore encore encore
les coccinelles les guêpes
repousse l'air intenable
accueille l'air irresponsable
le silence des absences
voudrait rester dans la chambre
à démoder le temps
à se tricoter des évasions de fleurs
de papier peint
à masquer l'éclosion derrière un éventail
elle prend des pauses
ne voudrait plus crier au loup
ne plus compter jusqu'à trente
derrière les fourrés
elle tend à s'extraire se disperser se dissoudre
hors limite
quelque chose viendra de quelque part
elle ne sait d'où
rêve d'intempéries de vibrations contradictoires
d'un repli dans les jupes sous le sable sous l'eau
plus lourde qu'une feuille qu'un coussin moelleux
elle pénètre dans l'horizon ouvert
des livres
un macareux se fixe sur un rocher
un corps s'émerveille
d'autres corps tachés de lumière
elle croirait avaler plumes orties vers de vase
brins de bruyère baies rouges
une émotion surgit qui s’absout
sur la balancelle
Juin
à tomber des nues
à tomber tête la première
à la tombée du jour
des libellules bleu électrique
un écureuil s'élance vers
les dernières branches ocre
bercée de coassements
elle voudrait voir les étoiles choir s'écorner se racornir
décompter les fractures dans le trouble des nuages
des poils du pubis
prendre la poudre d'escampette
sur une page d'encre
et se mêler
au possible chant de la chouette
des grands arbres du bois
dans la fraîcheur des
chairs qui frissonnent
sa main danse à la frontière du vent
elle pourra toujours compter sur
la lune comme une perle d'huître
on usurpe l'enfance une dernière fois
surjette le coupon de la nappe la page des mots ciboulette caille
écrase feuilles pétales et poils
lave à grandes eaux
culottecoquillecoquelicot
malaxe la terre glaise
dénoue le ruban
les racines à nu
évite les corbeaux noirs la pie élégante
se souvient
des herbes hautes qui grattent et démangent
du dard dans le dos
garde ses distances
plonge entre les vagues qui jaillissent
à se couper le souffle ah oui
la mer se retire
les mousses respirent
les fleurs d'acacias
une barque s’échoue
la coque en biais
elle jette à l'aube
ses mèches coupées dans le seau
elle n'aura pas tiré de coup de fusil à la foire
ni regardé vieillir la caravane rouille
ni embrassé un
le temps se gâte
même le silence de la route
se satisfait de la tondeuse à gazon
qui broie le bruissement doux
des blés en lignes d’arithmétique
le matin s'habille de robe de chambre peluchée
peurpétochemartinet
à l'ombre de l'enfance qui s'attarde
et cueille des fleurs coupées à ras
des papillons volettent
au son de la cornemuse
elle ne les chasse plus
a rentré l'épuisette dans la cave
avec les tapettes à souris
il en est ainsi
les roses perdent leurs pétales
tandis que les pois de senteur empestent la forme
l'océan racle les rochers
elle se râpe les genoux
en dépoussiérant l'armoire ouverte
des draps de lits taies d'oreillers
rêves de salopette jean
mort aux berniques
oreilles de saint-Pierre troques mage
une maille à l'envers une maille à l’endroit
la laine remugle le purin d'orties
les chiures de poules
il faudrait s'enfoncer plus
profond dans le bois
pour y cacher ses sanglots
dans les nervures des fougères
le ciel se gave d'hirondelles
elle en déboutonne le bleu comme la blouse
la poitrine fait mal
gonflée au fouet électrique
on la surprend à emprunter
des tailleurs moutarde chauve-souris
peurpétocherèglesurlesdoigts
à tromper l'attention
ça s'affole dans le grenier
ça s'échappe
par la lucarne
elle a tout de même du plomb dans l'aile
ne soulève plus les draps tachés
les pages humides les coquilles vides
de la même manière
entraperçoit la queue blanche d'un renard
sans y croire
y-a-t-il encore la bâtisse grise et haute comme repère
la robe chasuble sur le cintre
passera-t-on sur les sous-ensembles
il n'y a plus que jamais
de quoi se ronger les sangs
à gros grains
nonmaisjerêve
une ligne de biais
ligne de nuages
on a beau dire
le ciel se charge d'ébruiter et puis quoi d'abord
la pousse vers le dehors
au milieu des trèfles à quatre feuilles
introuvables
la pointe du crayon de couleur glisse sur le papier lisse
s'arrête sur le papier rêche
un os de seiche sur la grève
elle se dépiaute de l'ancienne peau
comme elle a vu faire la voisine avec
appréhende la nouvelle
lisse rêche cotonneuse en fouillis de poils noirs dans l'épaisseur du lichen
voudrait être un crabe dormeur
qui a déjà mué
un étourneau lancé comme une balle de coton
ou un épicéa bleu aux épines éternelles
elle dévale une nouvelle fois la route
en écharpe
au point mousse
elle cherche la bâtisse grise et haute
les issues les clôtures
de l'enfance dissolue
la maison des chiens de l'impasse s'est ouverte par le milieu
déchirée d'aboiements de boue de bave de sang
le petit bois a reculé d'un arpent
comme les barbelés des vaches et chevaux
on a découpé les jardins en trois ou quatre parts
comblé les fossés
le lieu-dit a changé de visage
comme agglomérée
la plage est plus étroite
les maisons ont avancé sur la falaise
tout est devenu mochement minuscule
tout autant que les points noirs
du reste il ne reste presque rien
une poule rousse qui a pondu à l'aube
quelques épis de blé ça et là
un éléphant-nuage
l'enfance disparaît comme on reçoit une estafilade
bon débarras ou quoi
le ciel se charge du clapotis des vagues
on voudrait rester dans les coulisses
dans le lait chocolaté et les biscuits qui fondent
ressasser l'océan dans le beurre salé
se couler
sous la frondaison les remblais
rentrer ses omoplates
se compresser les orteils
à diviser
les monticules de terre
les entassements de pierre du ponton
rien ne sera
laissé
au hasard
on mâchouille un pétale
mielatpoilétamine
s'arrêtera-t-on d'envier les saules pleureurs
on a poussé penchée
à l'angle de
faisant corps avec le corps des vagues
s’échappant au large hors
endiguant le flot la brillance le miroitement tu suis ou pas
laisse les cheveuxchevauxchétifsages comme des herbes courbées
à l'ombre des bigoudis
s'être fille pas si sûre
le sang reprend sa rengaine
talus pour talon aiguille à talonner le flanc des bêtes
t'a rien compris
graine de beauté sable de fille ouf
t'as grandi sans les jardins sous cloche
il faudra bien
faire le noir des bigorneaux
derrière l’œil bleu laqué
elle s'aligne sur des lignes de brindilles
des rangées de billes
sur l'eau blanche brûlée de lumière
les îles en découpe
déchiquetées
la langue est un long processus de confluence
après s'être fille
accepter s'être
s'en inventer une langue d'elle
calibre deux à trois cuillères à soupe sanguine
sur cinq jours ouvrés
sans en faire tout un plat
d’évanouissement syncope
douleurs mater Dolorosa
elle a refermé la lucarne
n'en rien dire à personne
de la bonne poudre d'escampette
les pensées se démantèlent
dans l'éblouissement du soleil
face contre face
un brin d'être d'hêtraie d'étrangeté
elle ne veut pas non plus
d'une enfance obligée
dans le prolongement de la soupe de semoule
c'est la moindre des choses non
elle court toujours dans son corps court
après une déviation
s'embaume de fleurs d'acacias
d'un mot volé à la volée d' hirondelles
au milieu de chemises de crêpe
elle scrute les ailes des papillons
les vagues
vagues
vagues
recousent
au-de-là
le mot
l'empreinte
ligne de blés
les vagues
bâtissent
filent
avant que
avant que
avant que
ne se décousent
les fumées
blanches
les graines
enduites
les algues
sang laqué
sans frémir
s'accrochent
à l'âme
et va
le bouton
des nervures
bave
derrière
de vent
raccourcissent
un patron
des nœuds
ne s'écaille
ne se boive
ne s'avale
l'ombre
du tilleul
de
la bobine
d'une étoile
de l'enfance
à ses jupes
salées
en quête
de nacre
de la page
une tache
la lettre
de plume
le jupon
de broussailles
les fils de pêche
la bâtisse
la tasse
le silence
du grand chêne
des tempêtes
tombent
terre
roulent
goémons
en sang
à ses chevilles
ses pépins crachés
de l'écriture-racine
sous l'écorce
quadrillée
du stylo-plume
ligne d'ancre
de tourterelle
les revers
d'écume
défont
grise et haute
porcelaine
du galet
sur le pubis
sur ses cheveux
de sienne
vrillent
pelotes de laine
on elle grandie
comme une
coquille
saint-Jacques
une arête
et un compas
pourraient tracer
le cerclOcéan
la rOnde
de l'hOrizon
Ouvert
une barque
sur
un
mur